A l’heure de la multiplication des projets urbains, la démarche semble aller de soi. Mais, comme le rappelle un récent ouvrage consacré à cette notion, il n’en a pas toujours été ainsi (1). En effet, jusqu’au début des années 80, on ne parlait pas tant de “projet urbain” que de “planification urbaine”. Or, cette évolution sémantique révèle une vraie mutation de nos façons d’organiser l’espace habité.
“Les systèmes de planification, précisent les auteurs, se construisent sur la base d’un processus linéaire fondé sur la tutelle des échelons supérieurs […]. Les décideurs politiques déterminent les objectifs généraux et élaborent des programmes que les techniciens mettent en œuvre. À la fin de ce processus, les habitants sont de simples usagers, destinataires passifs des politiques publiques.” Fortement inspirée de l’urbanisme rationaliste de la Charte d’Athènes (1933), cette méthode ne se trouvera contestée qu’à la fin des années 70, lorsqu’elle apparaîtra inadaptée à l’évolution rapide de la société.
Dans un environnement devenu instable et complexe, le projet s’impose comme un instrument d’action publique car, à rebours du plan, il s’adapte aux contraintes opérationnelles et laisse une place importante à la négociation avec les acteurs privés. “Le développement des démarches de projets urbains engage ainsi le passage ‘d’un modèle hiérarchique’ à un ‘modèle négocié’ entre parties prenantes du projet”.
Bien sûr, cette façon de faire n’est pas sans contrainte pour les professionnels. Architecte urbaniste, Sandra Robyr témoigne : “Nous sommes régulièrement confrontés à des acteurs divers qui interviennent à différents moments de la conception puis de la mise en place du projet. Ces acteurs ne sont pas qu’observateurs, ils participent indirectement et à divers degrés à l’élaboration du projet, qui peut être, le cas échéant, parfois remis en cause ou freiné, voire stoppé.” Et de préciser que cette réalité “nécessite de concevoir le projet comme un processus et non comme une image finie, qui pourrait être ‘jetée en avant’, au-delà des circonstances qui jalonnent son élaboration.”
De la sorte, elle souligne un point capital : plus souple et flexible que la planification, le “mode projet” exige toutefois de mobiliser de nouvelles compétences centrées sur la négociation, la concertation et la dynamique des groupes. Sans quoi, les projets urbains se retrouvent constamment menacés par des enlisements, des obstructions et des blocages tels que certains en viendraient presque à regretter la planification à l’ancienne !
David Heinry
Charte d'Athènes
Sources
- (1) Faire la ville par le projet, sous la direction de Muriel Delabarre et Benoît Dugna, Presses polytechniques et universitaires romandes, octobre 2017, 328 p.
- https://www.linkedin.com/in/david-heinry/